Convertie au christianisme au début du IVe siècle, la Géorgie ancienne, qui a souvent été une frontière religieuse et culturelle entre l'Asie et l'Europe, a laissé beaucoup de monuments remarquables. Néanmoins, malgré sa qualité et sa richesse exceptionnelles, l'art chrétien géorgien est longtemps resté méconnu. De fait, si les peintures murales et l'architecture des églises ont attiré d'assez longue date l'attention des chercheurs, leurs aménagements et dispositifs liturgiques ont été à peu près complètement passés sous silence. Pourtant ces pièces uniques représentent une part considérable du patrimoine géorgien médiéval et constituent un témoignage archéologique fort important pour cerner non seulement la tradition artistique, mais aussi les rites et les coutumes de l'Orient chrétien.
L'ouvrage révèle un matériel archéologique parfois inexploré jusqu'ici, et souvent inédit. Mais c'est aussi une première tentative pour faire la lumière sur l'organisation de l'espace liturgique dans les églises géorgiennes, sur le rôle spécifique des divers aménagements, les rapports entre la nature des pièces, leur décor et leur fonction, et contribuer ainsi à la connaissance des usages religieux aux confins du monde byzantin.
La recherche se concentre sur trois groupes particuliers : cuves baptismales, tables liturgiques et clôtures de sanctuaire. Les limites chronologiques (VIe-XIIIe s.) correspondent à la période de l'apparition puis du développement des images sculptées sur les installations liturgiques en Géorgie : inspirées par l'Ancien et le Nouveau Testament, celles-ci s'articulent souvent dans des programmes iconographiques amples et accomplis. La signification de ces programmes est ici particulièrement envisagée dans la perspective de leur rôle culturel.
Mais l'attention est également portée aux problèmes liés à la production de ces monuments et à la répartition géographique des ateliers. Un autre aspect, qui relève d'une problématique plus vaste, est l'adaptation et l'interprétation des modèles byzantins en Géorgie.
On a naturellement reproduit et traduit les nombreuses inscriptions qui permettent d'observer les différents modes de référence aux sources scripturaires, mais aussi de constater l'implication de donateurs sur des supports ; ce qui renseigne directement sur les usages dévotionnels et, dans certains cas, renvoie aux pratiques de collation des sacrements.
Ainsi vise-t-on à apporter un éclairage nouveau sur la vie spirituelle et l'histoire religieuse du pays et sur ses relations culturelles avec les autres régions du monde chrétien ; cela reflétant, à côté des traditions locales, des liens étroits entre la Géorgie et les pays voisins mais aussi, à l'occasion, avec les contrées plus lointaines d'Occident. L'ouvrage témoigne donc de l'importance d'une production artistique qui doit être prise en compte dans toute étude du matériel sculpté paléochrétien et médiéval.