C'est un fait connu mais encore négligé de l'histoire de l'art : l'oeuvre de Michel-Ange est au XIXe siècle une source d'inspiration majeure, un puissant accélérateur de modernité. Depuis l'époque classique un interdit pesait sur son oeuvre, jugée trop intimidante et licencieuse pour être donnée en exemple. Au début du XIXe siècle, l'auteur de la chapelle Sixtine s'est imposé aux jeunes artistes romantiques comme un génie tutélaire, un modèle superlatif à imiter pour s'affranchir de normes
éculées.
Michel-Ange aux siècle de Carpeaux explore cet héritage à travers l'exemple du sculpteur d'origine valenciennoise Jean- Baptiste Carpeaux (1827-1875). Figure capitale de la scène artistique du Second Empire, trait d'union entre les sculpteurs romantiques et Rodin, Carpeaux a trouvé en Michel-Ange un maître, un modèle, un miroir. Tout au long de sa vie l'auteur d'Ugolin ne cesse de s'identifier au génie de la Renaissance et son oeuvre constitue le paradigme d'un michelangelisme à la française. Le dessin est par excellence le médium privilégié pour appréhender les processus d'appropriation de ce langage que sont la copie, l'imitation, la citation et le détournement. Ces approches diverses du grand maître, dans lesquelles entre une part d'invention croissante, sont autant d'efforts tendus vers le dépassement de soi, mais que l'écueil du pastiche menace en permanence. C'est donc aussi une enquête sur la création que propose le musée des Beaux-Arts de Valenciennes à partir de l'abondant fonds graphique de Carpeaux, enrichi de peintures et de sculptures, autour duquel ont été réunies des oeuvres de ses prédécesseurs, contemporains et héritiers : Delacroix, Moreau, Fantin-Latour et Rodin entre autres. Le catalogue de l'exposition aborde la place de Michel-Ange dans la théorie de l'art académique du XIXe siècle, examine son influence sur l'art et la vie de Carpeaux, et consacre un important dossier à Ugolin et ses enfants, l'oeuvre phare de l'artiste.